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conserver l’estime des légions, aussi-bien que la faveur de tant de princes belliqueux. Cependant la calomnie ne manque pas de sagacité pour découvrir et pour attaquer le côté le plus faible. Dioclétien eut toujours le courage que son devoir ou l’occasion exigeait ; mais on ne voit point en lui cet esprit entreprenant, cette intrépidité d’un héros qui, brûlant du désir de se faire un nom, brave les dangers, dédaigne l’artifice, et force ses égaux à reconnaître sa supériorité. Des qualités moins brillantes qu’utiles, une tête forte, éclairée par l’expérience et par une étude approfondie de l’humanité ; de la dextérité et de l’application dans les affaires ; un mélange judicieux d’économie et de libéralité, de sévérité et de douceur ; une dissimulation profonde, cachée sous le voile de la franchise militaire ; de la constance pour parvenir à son but, de la flexibilité pour varier ses moyens, et, par-dessus tout, le grand art de soumettre ses passions et celles des autres à l’intérêt de son ambition, de colorer cette ambition des prétextes les plus spécieux de justice et de bien public, tels sont les traits qui forment le caractère de Dioclétien. Comme Auguste, il jeta en quelque sorte les fondemens d’un nouvel empire. Semblable au fils adoptif de César, il se distingua plutôt par les talens de l’homme d’état, que par ceux du guerrier ; et jamais ces princes n’employèrent la force, toutes les fois qu’ils purent réussir par la voie de la politique.

Sa victoire et sa clémence.

Dioclétien usa de sa victoire avec une douceur