Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 2.djvu/259

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Auguste, les dieux te préservent ; nous te choisissons pour notre souverain, c’est à tes soins que nous confions Rome et l’univers. Accepte l’empire des mains du sénat ; il est dû à ton rang, à ta conduite, à tes mœurs. » À peine le tumulte des acclamations fut-il apaisé, que Tacite voulut refuser l’honneur dangereux qu’on lui offrait si solennellement. Il parut surpris de ce qu’on choisissait son âge et ses infirmités pour remplacer la vigueur martiale d’Aurélien. « Ces bras, pères conscrits, sont-ils propres à soutenir le poids d’une armure, à pratiquer les exercices des camps ? La variété des climats, les fatigues d’une vie militaire, détruiraient bientôt une constitution faible, qui ne se soutient que par les plus grands ménagemens. Mes forces épuisées me permettent à peine de remplir les devoirs d’un sénateur ; me mettraient-elles en état de supporter les travaux pénibles de la guerre et du gouvernement ? Pouvez-vous croire que les légions respecteront un vieillard infirme, dont les jours ont coulé à l’ombre de la paix et de la retraite ? Pouvez-vous désirer que je me trouve jamais forcé de regretter l’opinion favorable du sénat[1] ? »

Et il accepte la pourpre.

La répugnance de Tacite, et peut-être était-elle sincère, fut combattue par l’opiniâtreté affectueuse du sénat. Cinq cents voix répétèrent à la fois avec une éloquence tumultueuse, que les plus grands princes de Rome, Numa, Trajan, Adrien et les An-

  1. Vopiscus, Hist. Aug., p. 227.