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la discipline avait introduit une foule de désordres dont les troupes elles-mêmes commençaient enfin à sentir les pernicieux effets ; qu’un peuple ruiné par l’oppression et devenu indolent par désespoir, ne pouvait plus fournir à de nombreuses armées les moyens de se livrer à la débauche, ni même ceux de subsister ; que le danger de chaque individu augmentait avec le despotisme de l’ordre militaire : en effet, ajoutait-il, des princes qui tremblent sur le trône, sont sans cesse portés à sacrifier la vie de tout sujet suspect. L’empereur s’étendit, en outre, sur les suites funestes d’un caprice violent, dont les soldats étaient les premières victimes, puisque leurs élections séditieuses avaient été si souvent suivies de guerres civiles qui détruisaient la fleur des légions, moissonnée dans les combats, ou par l’abus cruel de la victoire. Il peignit des plus vives couleurs l’épuisement des finances, la désolation des provinces, la honte du nom romain, et le triomphe insolent des Barbares avides, « C’est contre ces Barbares, s’écriait-il, que je prétends diriger les premiers efforts de vos armes. Que Tetricus règne pendant quelque temps dans les provinces occidentales ; que Zénobie même conserve la domination de l’Orient[1]. Ces usurpateurs sont mes ennemis personnels ; je ne songerai jamais à venger des injures particulières qu’après

  1. Zonare fait ici mention de Posthume ; mais les registres du sénat (Hist. Aug., p. 203) prouvent que Tetricus était déjà empereur des provinces occidentales.