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foncèrent dans la Mœsie avec le projet de gagner, par le Danube, leurs établissemens en Ukraine. L’exécution d’une entreprise si téméraire devait causer leur ruine totale : le peu d’union qui régnait entre les généraux romains procura aux Barbares les moyens de s’échapper[1]. Ceux d’entre eux qui infestaient encore les terres de l’empire, se retirèrent enfin sur leurs vaisseaux, et prenant leur route à travers l’Hellespont et le Bosphore, ils ravagèrent les rives de Troie, dont le nom, immortalisé par Homère, survivra probablement au souvenir des conquêtes d’un peuple féroce. Dès qu’ils furent en sûreté dans le bassin de la mer Noire, ils descendirent à Anchialus, ville de Thrace, bâtie au pied du mont Hœmus. Ce pays, célèbre par la salubrité de ses bains chauds, leur offrait, après tant de fatigues, un asile agréable ; ils y goûtèrent pendant quelque temps les douceurs du repos. La navigation qui leur restait à faire, pour terminer leur voyage, était courte et facile[2]. Tels furent les divers événemens de cette troisième et fameuse entreprise navale. On aura peut-être de la peine à concevoir comment une armée, composée d’abord de quinze mille hommes, a pu soutenir les pertes d’une expédition si hasardeuse, et former tant de corps séparés. Mais à

  1. Claude, qui commandait sur le Danube, avait des vues très-justes, et se conduisait avec courage. Son collègue fut jaloux de sa réputation. Hist. Aug., p. 181.
  2. Jornandès, c. 20.