Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 2.djvu/142

Cette page a été validée par deux contributeurs.

parurent sans doute tomber tout à coup d’un nouveau monde[1].

Origine et renommée des Suèves.

II. Au-delà de l’Elbe, dans cette partie de la Haute-Saxe, que l’on appelle aujourd’hui le marquisat de Lusace, il existait anciennement un bois révéré, siége formidable de la religion des Suèves. Personne ne pouvait pénétrer dans son enceinte sacrée sans être lié et sans reconnaître, par cette humiliante cérémonie et par des prosternations, la présence immédiate de la divinité souveraine[2]. Le patriotisme ne contribuait pas moins que la superstition à consacrer le Sonnenwald, ou bois des Semnones[3]. Selon la créance universelle, la nation avait reçu sa première existence sur ce lieu sacré. Les nombreuses tribus qui se glorifiaient d’être du sang des Suèves, y envoyaient en certains temps des ambassadeurs ; la mémoire de leur extraction commune se perpétuait par des rites barbares et des sacrifices humains. Les habitans des contrées intérieures de la Germanie, depuis les bords de l’Oder jusqu’à ceux du Danube, portaient le nom général de Suèves. Ces peuples étaient distingués des autres Germains par une mode particulière d’arranger leurs longs cheveux, qu’ils rassemblaient en forme de nœuds sur le haut de la tête. Ils tenaient beaucoup à un ornement qui faisait paraître leurs rangs plus

  1. Aurelius-Victor ; Eutrope, IX, 6.
  2. Tacite, Germ., 38.
  3. Cluvier, Germ. ant., III, 25.