Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 2.djvu/141

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ces hautes montagnes que la nature semblait leur opposer. L’Espagne n’avait jamais redouté les incursions des Germains ; elle fut incapable de leur résister. Pendant douze ans, la plus grande partie du règne de Gallien, cette contrée opulente devint le théâtre des hostilités destructives auxquelles se livraient des ennemis inégaux en force. Tarragone, capitale florissante d’une province tranquille, fut saccagée et presque détruite[1] ; et du temps d’Orose, qui écrivait dans le cinquième siècle, de misérables cabanes, éparses au milieu des ruines d’un grand nombre de villes magnifiques, rappelaient encore la rage des Barbares[2]. Lorsque le pays épuisé n’offrit plus aucune espèce de butin, les Francs s’emparèrent de quelques vaisseaux dans les ports d’Espagne[3], et passèrent en Mauritanie. [Et passent en Afrique.]Quel dut être, à la vue de ces peuples féroces, l’étonnement d’une région si éloignée ? Lorsqu’ils abordèrent sur la côte d’Afrique, où l’on ne connaissait ni leur nom, ni leurs mœurs, ni leurs traits, ils

  1. Aurelius-Victor, c. 33. Au lieu de penè direpto, le sens et l’expression demandent deleto, quoiqu’à la vérité il soit également difficile, par des raisons fort différentes, de corriger le texte des meilleurs écrivains et des plus mauvais.
  2. Du temps d’Ausone (à la fin du quatrième siècle), Ilerda ou Lerida était dans un état de ruine, suite vraisemblablement de cette invasion. (Ausone, épit. XXV, 58.)
  3. M. Valois se trompe donc lorsqu’il suppose que les Francs ont envahi l’Espagne par mer.