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fonce pour peu qu’on s’arrête, où l’on glisse quand on fait un pas ; la pesanteur de la cuirasse, la hauteur des eaux, qui ne permet pas de lancer le javelot. Au contraire, les Barbares, habitués à combattre dans les terrains marécageux, outre l’avantage de la taille, avaient encore celui des longues piques, dont ils atteignaient de loin[1]. » Après d’inutiles efforts, l’armée romaine fut ensevelie dans ce marais, et jamais on ne put retrouver le corps de l’empereur[2]. Tel fut le destin de Dèce, âgé pour lors de cinquante ans ; monarque accompli, actif dans la guerre, affable au sein de la paix[3]. Son fils aurait été digne de lui succéder. La vie et la mort de ces deux princes les ont fait comparer aux plus brillans modèles de la vertu républicaine[4].

Élection de Gallus. A. D. 251. Décemb.

Ce coup funeste abattit pour quelque temps l’insolence des légions. Il paraît qu’elles attendirent patiemment, et reçurent avec soumission le décret du sénat qui réglait la succession à l’empire. Un juste

  1. J’ai hasardé de tirer de Tacite (An. I, 64) le tableau d’une action semblable entre une armée romaine et une tribu germanique. La traduction est de l’abbé de La Bléterie.
  2. Jornandès, c. 18 ; Zosime, l. I, p. 22 ; Zonare, l. XII, p. 627 ; Aurelius-Victor.
  3. Les Dèces furent tués avant la fin de l’année 251, puisque les nouveaux princes prirent possession du consulat dans les calendes de janvier qui suivirent.
  4. L’Histoire Auguste, p. 223, leur donne une place très-honorable parmi le petit nombre des bons princes qui régnèrent entre Auguste et Dioclétien.