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de répandre une terreur salutaire parmi toutes les nations du Nord, il refusa d’écouter aucun accommodement. Les Barbares intrépides préférèrent la mort à l’esclavage. La bataille se donna sous les murs d’une ville obscure de la Mœsie, appelée Forum Terebronii[1]. L’armée des Goths était rangée sur trois lignes, et par un effet du hasard ou d’une sage disposition, un marais couvrait le front de leur troisième ligne. Au commencement de l’action, le fils de Dèce, jeune prince de la plus belle espérance, et déjà revêtu de la pourpre, fut percé d’une flèche, et tomba mort à la vue d’un père affligé, qui, rassemblant toute sa fermeté, rappela à son armée consternée que la perte d’un soldat importait peu à la république[2]. Le choc fut terrible ; c’était le combat du désespoir contre la douleur et la rage. Enfin la première ligne des Goths fut enfoncée ; la seconde, qui s’avançait pour la soutenir, eut le même sort. La troisième seulement restait entière, disposée à disputer le passage du marais que l’ennemi présomptueux eut l’imprudence de vouloir forcer. La fortune change tout à coup : « Tout est contre les Romains, la profondeur du marécage, un terrain où l’on en-

  1. Tillemont, Histoire des Empereurs, tom. III, p. 598. Comme Zosime et quelques-uns de ceux qui l’ont suivi prennent le Danube pour le Tanaïs, ils placent le champ de bataille dans les plaines de la Scythie.
  2. Aurélius-Victor place la mort des deux Dèces dans deux actions différentes ; mais j’ai préféré le récit de Jornandès.