Bosphore, s’étendait d’un rivage à l’autre en forme de croissant, afin d’intercepter ou du moins de repousser ces audacieux auxiliaires. Le lecteur qui a présent à l’esprit le tableau géographique de Constantinople, concevra et admirera la grandeur de ce spectacle. Les cinq vaisseaux chrétiens continuaient à s’avancer, avec de joyeuses acclamations, à force de rames et de voiles, contre une escadre ennemie de trois cents navires ; le rempart, le camp, les côtes de l’Europe et de l’Asie, étaient couverts de spectateurs qui attendaient avec inquiétude l’effet de cet important secours. Au premier coup d’œil l’événement ne pouvait paraître douteux ; la supériorité des musulmans était hors de toute proportion, et dans un calme leur nombre et leur valeur auraient sûrement triomphé. Toutefois leur marine imparfaite n’avait pas été créée à loisir par le génie du peuple, mais par la volonté du sultan : au comble de la grandeur, les Turcs ont reconnu que si Dieu leur a donné l’empire de la terre, il a laissé celui de la mer aux infidèles[1] ; une suite de défaites et une rapide décadence ont établi la vérité de ce modeste aveu. Si l’on en excepte dix-huit galères d’une certaine force, le reste de l’escadre était composé de
- ↑ On peut observer la faiblesse et la décadence continuelle de la marine turque dans Rycault (State of the ottoman Empire, p. 372-378), dans Thevenot (Voyages, part. I, p. 229-242) et dans les Mémoires du baron de Tott (t. III). Ce dernier écrivain cherche toujours à amuser et à étonner son lecteur.