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lui dit Mahomet, reprendre ce que je t’ai donné, mais plutôt accumuler mes bienfaits sur ta tête. À mon tour je veux de toi un présent qui me sera bien plus utile, et auquel je mets bien plus de prix : je te demande Constantinople. » Le visir, revenu de sa surprise, lui répondit : « Le même Dieu qui t’a donné une si grande portion de l’Empire romain ne te refusera pas la capitale et le peu de domaines qui restent à cet empire. Sa providence et ton pouvoir me l’assurent, et les fidèles esclaves et moi nous sacrifierons nos jours et notre fortune pour exécuter tes volontés. — Lala[1] (c’est-à-dire précepteur), dit le sultan, tu vois cet oreiller ; dans mon agitation je l’ai poussé toute la nuit d’un côté et d’un autre. Je me suis levé, je me suis recouché, mais le sommeil s’est refusé à mes paupières fatiguées. Prends garde à l’or et à l’argent des Romains ; nous valons mieux qu’eux à la guerre, et à l’aide de Dieu et du prophète nous ne tarderons pas à nous emparer de Constantinople. » Pour connaître la disposition de ses soldats, il parcourait souvent les rues seul et déguisé, et il était dangereux de reconnaître le sul-

  1. Le lala des Turcs (Cantemir, p. 34) et le tata des Grecs (Ducas, c. 35) viennent des premières syllabes que prononcent les enfans ; et on peut observer que ces mots primitifs qui désignent leurs parens, ne sont qu’une répétition d’une même syllabe, composée d’une consonne labiale ou dentale, et d’une voyelle ouverte. (De Brosses, Mécanisme des langues, t. I, p. 231-247.)