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sein de son ami les secrets de son âme après une longue absence. [Situation de la cour de Byzance.]« Depuis que j’ai perdu ma mère et Cantacuzène, qui me conseillaient, seuls sans intérêt ni passions personnelles[1], je suis environné, dit le souverain de Byzance, d’hommes auxquels je ne puis accorder ni amitié, ni confiance, ni estime. Vous connaissez Lucas Notaras, le grand-amiral ; obstinément attaché à ses propres sentimens, il assure partout qu’il dirige à son gré mes pensées et mes actions. Le reste des courtisans est conduit par l’esprit de parti ou par des vues d’intérêt personnel : faut-il donc que je consulte des moines sur des projets de politique ou de mariage ? J’aurai encore long-temps besoin de votre zèle et de votre activité. Au printemps, vous engagerez un de mes frères à aller solliciter en personne le secours des puissances de l’Occident. De la Morée vous irez en Chypre exécuter une commission secrète, et de là vous passerez en Géorgie, d’où vous ramènerez la future impératrice. — Vos ordres, sire, répondit Phranza, sont irrésistibles ; mais daignez considérer, ajouta-t-il avec un grave sourire, que si je m’absente continuellement de ma famille, ma femme pourrait être tentée de chercher un autre époux ou de se jeter dans un monastère. » Après avoir plaisanté sur ses craintes, l’empereur prit un

  1. Cantacuzène (j’ignore s’il était parent de l’empereur de ce nom) était grand-domestique, défenseur zélé du symbole grec, et frère de la reine de Servie, chez laquelle il fut envoyé en qualité d’ambassadeur. (Syropulus, p. 37, 38-45)