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clergé et les offrandes des pèlerins et des cliens n’y ajoutent qu’une ressource bien faible et bien précaire, suffisante cependant pour alimenter l’oisiveté de la cour et de la ville. La population de Rome, bien inférieure à celle des grandes capitales de l’Europe, n’excède pas cent soixante-dix mille âmes[1], et dans la vaste enceinte de ses murs, la plus grande partie des sept collines n’offre que des ruines et des vignobles. On doit attribuer à la superstition et aux abus du gouvernement la beauté et l’éclat de la ville moderne. Chaque règne, presque sans exception, a été marqué par l’élévation rapide d’une nouvelle famille, enrichie par un pontife sans enfans aux dépens de l’Église et du pays. Les palais de ses neveux fortunés offrent les plus dispendieux monumens d’élégance et de servitude, où l’architecture, la peinture et la sculpture, dans toute leur perfection, se sont prostituées à leur service. Leurs galeries et leurs jardins renfermaient les morceaux de l’antiquité les plus précieux, rassemblés par le goût ou par la vanité. C’est avec plus de décence que les papes ont employé les revenus

  1. En 1709, les habitans de Rome (non compris huit ou dix mille Juifs) étaient au nombre de cent trente-huit mille cinq cent soixante-huit (Labat, Voyage en Espagne et en Italie, t. III, p. 217, 218). En 1740, il évaluait la population à cent quarante-six mille quatre-vingts âmes ; et en 1765, lorsque je quittai cette ville, on en comptait cent soixante-un mille huit cent quatre-vingt-dix-neuf, les Juifs non compris. J’ignore si l’accroissement de la population a continué.