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Virgile, dit le Pogge à son ami, a décrit Rome dans son premier état, et telle qu’elle pouvait être à l’époque où Évandre accueillit le réfugié Troyen[1]. La roche Tarpéienne que voilà ne présentait alors qu’un hallier sauvage et solitaire : au temps du poète, sa cime était couronnée d’un temple et de ses toits dorés. Le temple n’est plus ; on a pillé l’or qui le décorait ; la roue de la fortune a achevé sa révolution, les épines et les ronces défigurent de nouveau ce terrain sacré. La colline du Capitole, où nous sommes assis, était jadis la tête de l’Empire romain, la citadelle du monde et la terreur des rois : honorée par les traces de tant de triomphateurs, enrichie des dépouilles et des tributs d’un si grand nombre de nations ; ce spectacle qui attirait les regards du monde, combien il est déchu ! combien il est changé ! combien il s’est effacé ! Des vignes embarrassent le chemin des vainqueurs, la fange souille l’emplacement qu’occupaient les bancs des sénateurs. Jetez les yeux sur le mont Palatin et parmi ses énormes et uniformes débris, cherchez le théâtre de marbre, les obélisques, les statues colossales, les portiques du palais de Néron ; examinez les autres collines de la cité, partout vous apercevrez des espaces vides, coupés seulement par des ruines et des jardins. Le Forum, où le peu-

  1. Æneid., III, 97-369. Cet ancien tableau, qui est d’une touche si délicate et amené avec tant d’art, devait intéresser vivement un Romain, et les études de notre jeunesse nous mettent à portée de partager les sentimens d’un Romain.