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leur et à la conduite de Huniades. À la première affaire, il commandait une avant-garde de dix mille hommes avec lesquels il surprit le camp des Turcs ; à la seconde, il défit et prit le plus renommé de leurs généraux, malgré le double désavantage du terrain et du nombre. L’approche de l’hiver et les obstacles naturels et artificiels qu’opposait le mont Hœmus arrêtèrent ce héros, que six jours de marche auraient pu conduire du pied des montagnes aux tours ennemies d’Andrinople ou la capitale hospitalière de l’empire grec. L’armée fit paisiblement sa retraite ; et son entrée à Bude eut en même temps l’air d’un triomphe militaire et d’une procession religieuse. Le roi, accompagné de ses guerriers, suivait à pied une double file d’ecclésiastiques ; il pesa dans une balance égale le mérite et les récompenses des deux nations, et l’humilité chrétienne tempéra l’orgueil de la conquête. Treize pachas, neuf étendards et quatre mille prisonniers étaient d’irrécusables trophées de la victoire ; et les croisés, que tout le monde était disposé à croire et que nul n’était présent pour contredire, multiplièrent sans scrupule les myriades d’Ottomans qu’ils avaient laissées le champ de bataille[1]. [Paix des Turcs.]La preuve la plus incontestable et l’effet le plus salutaire de leurs succès

  1. Dans leurs lettres à l’empereur Frédéric III, les Hongrois tuèrent trente mille Turcs en une seule bataille. Mais le modeste Julien réduit le nombre des morts à six mille, ou même deux mille infidèles. (Æneas Sylvius, in Europ., c. 5, et epist. 44-81, apud Spondanus).