Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 13.djvu/268

Cette page a été validée par deux contributeurs.

il peignait Rome sous l’emblème d’une matrone inconsolable[1] ; mais la présence du souverain légitime devait dissiper le nuage qui couvrait les sept collines ; une gloire éternelle, la prospérité de Rome et la paix de l’Italie, devaient être la récompense du pape qui oserait prendre cette généreuse résolution. Des cinq pontifes auxquels s’adressa Pétrarque, les trois premiers, Jean XXII, Benoît XII et Clément VI, ne virent dans cette hardiesse qu’un amusement ou peut-être une importunité ; mais enfin Urbain V tenta ce mémorable changement qu’acheva Grégoire XI. Ils rencontrèrent à leur projet des obstacles puissans et presque insurmontables. Un roi de France, qui a mérité le surnom de Sage, ne voulait point affranchir les papes de la dépendance où les tenait leur séjour dans le centre de ses états ; la plupart des cardinaux étaient Français, attachés à la langue, aux mœurs et au climat d’Avignon, à leurs magnifiques palais, et surtout aux vins de Bourgogne. L’Italie leur paraissait une terre étrangère ou ennemie, et ils s’embarquèrent à Marseille avec autant de répugnance que s’ils eussent été bannis ou vendus en

  1. Squalida sed quoniam facies, neglectaque cultu
    Cæsaries ; multisque malis lassata senectus
    Eripuit solitam effigiem ; vetus accipe nomen ;
    Roma vocor.

        (Carm., l. II, p. 77.) Il prolonge cette allégorie au-delà de toute mesure et des bornes de toute patience. Les lettres en prose qu’il adressa à Urbain V sont plus simples et plus persuasives (Senilium, l. VII, p. 811-827 ; l. IX, epist. I, p. 844-854).