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du bon état. Craignant pour leur sûreté, mais sentant qu’un refus aurait encore plus de danger que l’obéissance, les princes et les barons revinrent à Rome et rentrèrent dans leurs maisons comme de simples et paisibles citoyens. Les Colonne et les Ursins, les Savelli et les Frangipani, se virent confondus devant le tribunal d’un plébéien, de ce vil bouffon dont ils s’étaient moqués si souvent ; et leur humiliation était augmentée par un dépit qu’ils s’efforçaient en vain de déguiser. Le même serment fut prononcé tour à tour par les diverses classes de la société, par le clergé et par les citoyens aisés, par les juges et les notaires, par les marchands et les artisans ; l’ardeur et la sincérité du zèle se montraient davantage à mesure qu’on descendait vers les dernières classes. Tous jurèrent de vivre et de mourir au sein de la république et de l’Église, dont on lia adroitement les intérêts en associant, pour la forme, l’évêque d’Orviète, vicaire du pape, à l’office de tribun. Rienzi se vantait d’avoir affranchi le trône et le patrimoine de saint Pierre d’une aristocratie de rebelles ; et Clément VI, qui se réjouissait de la chute des nobles, affectait de croire aux démonstrations d’attachement que lui donnait le réformateur, de reconnaître ses services, et de confirmer le pouvoir dont il avait été revêtu par le peuple. Un zèle très-vif pour la pureté de la foi animait les discours et peut-être le cœur de Rienzi ; il insinua que le Saint-Esprit l’avait chargé d’une mission surnaturelle, imposa de fortes peines pécunières à ceux qui