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méprisaient l’autorité du magistrat. Ce n’était plus une dispute civile entre les nobles et les plébéiens sur le gouvernement de l’état ; les barons maintenaient leur indépendance par la force des armes ; ils avaient fortifié leurs palais et leurs châteaux de manière à soutenir un siége ; ils armaient dans leurs querelles particulières une multitude de vassaux et de domestiques. Ils ne tenaient à leur pays ni par leur origine ni par aucun sentiment d’affection[1] ; et un véritable Romain aurait repoussé ces fiers étrangers, qui dédaignaient le nom de citoyens, et se qualifiaient orgueilleusement de princes de Rome[2]. Après une suite d’obscures révolutions, les familles avaient perdu leur chartrier ; on avait aboli les surnoms ; le sang des diverses nations s’était mêlé dans un millier de canaux, et les Goths et les Lombards, les Grecs et les Francs, les Germains et les Normands, avaient obtenu les plus belles possessions de la faveur du prince ou comme un tribut payé à leur valeur. Il est aisé de concevoir que les choses dûrent

  1. Dès l’an 824 l’empereur Lothaire Ier crut devoir interroger le peuple romain, et savoir de tous les individus d’après quelle loi nationale ils voulaient être gouvernés (Muratori, Dissert., 22).
  2. Pétrarque attaque ces étrangers, tyrans de Rome, dans une déclamation ou épître pleine de vérités hardies et d’un pédantisme absurde, où il veut appliquer les maximes et même les préjuges de l’ancienne république à Rome, telle qu’elle se trouvait au quatorzième siècle (Mémoires, t. III, p. 157-169).