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faisait l’objet de l’ambition sacerdotale[1]. Ces exemples seraient sans doute suffisans ; mais je ne peux omettre les malheurs de deux papes du même siècle, Lucius II et Lucius III. [Lucius II. A. D. 1144-1145.] [Lucius III. A. D. 1181-1185.]Le premier, montant à l’assaut du Capitole, en équipage de guerrier, reçut un coup de pierre à la tempe et expira peu de jours après. Le second vit son cortége chargé de blessures. Plusieurs de ses prêtres avaient été faits prisonniers dans une émeute ; les cruels Romains réservant un de ces captifs pour servir de guide aux autres, crevèrent les yeux à tout le reste, leur mirent par dérision des mitres sur la tête, les placèrent sur des ânes, le visage tourné vers la queue, et leur firent jurer de se montrer en cet état à la tête du clergé, pour servir de leçon aux autres. L’espoir ou la crainte, la lassitude ou le remords, la disposition du peuple et les conjonctures, amenaient quelquefois un intervalle de paix et de soumission ; on rétablissait le pape avec de joyeuses acclamations, dans le palais de Latran ou le Vatican, d’où on l’avait chassé avec des menaces et des violences. Mais la racine du mal était profonde, et son action subsistait toujours ; ces momens de calme se trouvaient précédés et suivis d’orages qui coulaient presque à fond la barque de saint Pierre. Rome offrait sans cesse le spectacle de la guerre et de la discorde : les diverses factions et

  1. Ego coram Deo et Ecclesiâ dico, si unquam possibile esset, mallem unum imperatorem quam tot Dominos (Vit. Gelas. II, p. 398).