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coup à craindre de la violence des hommes ; l’accroissement continuel de leurs richesses les aurait rendus seuls propriétaires de tous les biens de la terre, mais ces biens que leur livrait un père repentant leur étaient enlevés par un fils avide : on adorait les ecclésiastiques, ou bien on attentait à leur personne ; et les mêmes individus plaçaient sur l’autel ou foulaient aux pieds la même idole. [Séditions de Rome contre les papes.]Dans le système féodal de l’Europe, les distinctions et la mesure des pouvoirs n’étaient fondées que sur les armes ; et dans le tumulte qu’elles excitaient, on écoutait ou l’on suivait rarement la paisible voix de la loi et de la raison. Les Romains dédaignaient le joug et insultaient à l’impuissance de leur évêque[1], qui ne pouvait, par son éducation et par son caractère, exercer décemment ou avec succès la puissance du glaive. Les motifs de son élection et les faiblesses de sa vie faisaient la matière de leur entretien, et la

  1. Jean de Salisbury, dans une conversation familière avec Adrien IV, son compatriote, accuse l’avarice du pape et du clergé : Provinciarum deripiunt spolia, ac si thesauros Cræsi studeant reparare. Sed recte cum cis agit altissimus, quoniam et ipsi aliis et sæpe vilissimis hominibus dati sunt in direptionem (De Nugis Curialium, l. VI, c. 24, p. 387). À la page suivante, il blâme la témérité et l’infidélité des Romains, dont les papes s’efforçaient en vain de captiver l’affection avec des présens, au lieu de la mériter par leurs vertus. Il est bien dommage que Jean de Salisbury, qui a écrit sur tant d’objets divers, ne nous ait pas donné, au lieu de moralités et d’érudition, quelque connaissance de lui-même et des mœurs de son temps.