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sa pudeur[1]. Mahomet ne prétendit pas sans doute expier cette action cruelle par la générosité éclairée avec laquelle il rendit la liberté à une matrone grecque et à ses deux filles, sur une ode latine de Philelphe, qui avait pris sa femme dans cette noble famille[2]. L’orgueil ou la cruauté de Mahomet aurait été sensiblement flatté de la prise du légat de Rome ; mais le cardinal Isidore parvint à s’échapper de Galata sous l’habit d’un homme du peuple[3]. Les vaisseaux italiens étaient toujours maîtres de la chaîne et de l’entrée du havre extérieur. Ils avaient signalé leur valeur durant le siége, et pour se sauver Ils profitèrent du moment où le pillage de la ville occupait les équipa-

  1. Voyez Phranza, l. III, c. 20, 21. Ses expressions sont positives : Ameras suâ manû jugulavit… volebat enim eo turpiter et nefarie abuti. Me miserum et infelicem ! Au reste, il ne put savoir que par ouï dire les scènes sanglantes ou infâmes qui se passaient au fond du sérail.
  2. Voyez Tiraboschi (t. VI, part. I, p. 290) et Lancelot (Mém. de l’Acad. des inscript., t. X, p. 718). Je serais curieux de savoir comment il a pu louer cet ennemi public, qu’il outrage en plusieurs endroits comme le plus corrompu et le plus inhumain des tyrans.
  3. Les Commentaires de Pie II supposent qu’Isidore plaça son chapeau de cardinal sur la tête d’un mort, que cette tête fut coupée et portée en triomphe, tandis que le légat lui-même fut vendu et délivré comme un captif sans valeur. La grande Chronique des Belges ajoute de nouvelles aventures à l’évasion d’Isidore. Celui-ci, dit Spondanus (A. D. 1453, no 15), les supprima dans ses lettres, de crainte de perdre le mérite et la récompense d’avoir souffert pour Jésus-Christ.