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rien Phranza, qui assista à cette lugubre assemblée, la décrit d’une manière pathétique. Ils versèrent des larmes, ils s’embrassèrent ; oubliant leurs familles et leurs richesses, ils se dévouèrent à la mort. Chacun des chefs se rendit à son poste, et passa la nuit à faire sur le rempart une garde vigilante. L’empereur, suivi de quelques fidèles compagnons, entra dans l’église de Sainte-Sophie, qui, en peu d’heures, allait devenir une mosquée : ils pleurèrent, ils prièrent au pied des autels, et y reçurent la sainte communion. Il se reposa quelques momens dans le palais, qui retentissait de cris et de lamentations ; il demanda pardon à tous ceux qu’il avait pu offenser[1], et monta à cheval pour visiter les gardes et reconnaître les mouvemens de l’ennemi. La chute du dernier des Constantin est plus glorieuse que la longue prospérité des Césars de Byzance.

Assaut général, le 29 mai.

Un assaut peut quelquefois réussir au milieu des ténèbres ; cependant les talens militaires et les connaissances astrologiques de Mahomet le déterminèrent à attendre le matin de ce mémorable 29 mai 1453 de l’ère chrétienne. On n’avait pas perdu un seul instant de la nuit ; les troupes, le canon et les

  1. Cette marque d’humilité que la dévotion a quelquefois arrachée aux princes qui se trouvaient au lit de la mort, est un perfectionnement ajouté à la doctrine de l’Évangile sur le pardon des injures : il est plus facile de pardonner quatre cent quatre-vingt-dix fois, que de demander une seule fois pardon à un inférieur.