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et difficiles à remplir ; mais rien ne peut surpasser vos mérites et vos services. » Satisfaits de cette assurance, les barons montèrent à cheval et accompagnèrent l’héritier du trône jusque dans son palais. Sa jeunesse et ses aventures lui gagnaient tous les cœurs ; il fut couronné avec son père dans l’église de Sainte-Sophie. Dans les premiers jours de son règne, le peuple, enchanté du retour de la paix et de l’abondance, jouissait avec transport du dénoûment de cette tragédie, et les nobles cachaient leurs regrets, leurs craintes et leur ressentiment sous le masque de la joie et de la fidélité. Pour éviter le désordre qui aurait pu résulter dans la ville du mélange des deux nations, on assigna pour quartiers, aux Vénitiens et aux Français, les faubourgs de Péra et de Galata en leur laissant cependant toute liberté de se promener et de commercer dans la ville. La dévotion et la curiosité attiraient tous les jours un grand nombre de pèlerins dans les églises et dans les palais de Constantinople. Insensibles peut-être à la perfection des arts qu’on voyait s’y déployer, nos grossiers ancêtres étaient du moins frappés de leur magnificence. La pauvreté de leurs villes natales rehaussait à leurs yeux l’éclat et la population de la première métropole de la chrétienté[1]. Entraîné

  1. Comparez dans la grossière énergie de Villehardouin (nos 66-100) l’intérieur de Constantinople, ses environs, et l’impressîon que ce spectacle fit aux croisés : Cette ville, dit-il, que de toutes les autres cre souveraine. Voyez les pas-