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Usage et abus de l’ancienne érudition.

Avant la renaissance de la littérature classique, les Barbares de l’Europe étaient plongés dans la plus épaisse ignorance ; et la pauvreté de leur langue annonçait la grossièreté de leurs mœurs. Ceux qui étudièrent les idiomes plus parfaits de Rome et de la Grèce, se trouvèrent transplantés dans un nouveau monde de sciences et de lumières. Ils se trouvèrent admis dans la société des nations libres et polies de l’antiquité, et à la conversation familière de ces hommes immortels qui avaient parlé le langage sublime de l’éloquence et de la raison. De tels rapports devaient nécessairement élever l’âme et perfectionner le goût des modernes ; cependant on peut croire, d’après les premiers essais, que l’étude des anciens avait donné à l’esprit humain des chaînes plutôt que des ailes. L’esprit d’imitation, quelque louable qu’il soit, tient toujours de l’esclavage ; et les premiers disciples des Grecs et des Romains semblaient former une colonie d’étrangers au milieu de leur pays et de leur siècle. Le soin minutieux apporté à pénétrer dans les antiquités des temps reculés, aurait pu être employé à perfectionner l’état présent de la société : les critiques et les métaphysiciens suivaient servilement l’autorité d’Aristote ; les poètes, les historiens et les orateurs répétaient orgueilleusement les pensées et les expressions du siècle d’Auguste ; ils observaient les ouvrages de la nature avec les

    imprimeur-libraire de Paris, distingué par ses connaissances.