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dence ; mais mon âme était enflammée de l’amour des lettres, et je donnai quelque temps à l’étude de la logique et de la rhétorique. À l’arrivée de Manuel, je balançai en moi-même si j’abandonnerais l’étude des lois ou si je laisserais échapper l’occasion précieuse qui se présentait ; et dans l’ardeur de ma jeunesse, je raisonnai ainsi avec moi-même : Te manqueras-tu à toi-même et à ta fortune ? Refuseras-tu d’apprendre à converser familièrement avec Homère, Platon et Démosthènes, avec ces poètes, ces philosophes et ces orateurs, donc on raconte tant de merveilles, et que toutes les générations ont reconnus pour les grands maîtres des sciences ? Il se trouvera toujours dans nos universités un nombre suffisant de professeurs du droit civil ; mais un maître de langue grecque, et un maître comme celui-ci, si on le laisse échapper, on ne le remplacera peut-être jamais. Convaincu par ce raisonnement, je me livrai tout entier à Chrysoloras, et mon ardeur était si vive, que les leçons que j’avais étudiées dans la journée étaient la nuit le sujet constant de mes songes[1]. » Dans le même temps, Jean de Ravenne, élevé dans la maison de Pétrarque[2], expliquait les auteurs

  1. Voy. ce passage dans l’Arétin. In Commentario rerum suo tempore in Italiâ gestarum, apud Hodium, p. 28-30.
  2. Pétrarque, qui aimait ce jeune homme, se plaint souvent de la curiosité trop avide, de l’activité indocile et du penchant à l’orgueil, qui annonçaient le génie et les talens futurs de son disciple. (Mém. sur Pétrarque, t. III, p. 700-709.)