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dit le maréchal, tous ceux qui acceptèrent ses dons ne lui tinrent pas leur parole. Les plus déterminés champions de la croix s’assemblèrent à Soissons pour choisir un nouveau général ; mais, soit incapacité, jalousie ou répugnance, parmi les princes français il ne s’en trouva aucun qui réunît les talens nécessaires pour conduire l’expédition, et la volonté de l’entreprendre. Les suffrages se réunirent en faveur d’un étranger, et l’on résolut d’offrir le commandement à Boniface, marquis de Montferrat, rejeton d’une race de héros, et personnellement distingué par ses talens politiques et militaires[1]. Ni la piété ni l’ambition ne permettaient au marquis de se refuser à cette honorable invitation. Après avoir passé quelques jours à la cour de France, où il fut reçu comme un ami et un parent, il accepta solennellement, dans l’église de Soissons, la croix de pèlerin et le bâton de général, puis repassa aussitôt les Alpes pour se préparer à cette longue expédition. Vers la fête de la Pentecôte, il déploya sa bannière et se mit en route pour Venise à la tête de ses Italiens ; il y fut précédé ou suivi des comtes de Flandre et de Blois, et des plus illustres barons de France auxquels se joignit un corps nombreux de pèlerins allemands conduits par des motifs semblables à ceux

  1. Par une victoire contre les citoyens d’Asti (A. D. 1191), par une croisade dans la Palestine et par une ambassade du pape chez les princes allemands (Muratori, Annali d’Italia, t. X, p. 163-202).