Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 12.djvu/42

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tial et leur attitude suppliante arrachèrent un cri universel d’applaudissement, dont le bruit, dit Geoffroy, fut semblable à celui d’un tremblement de terre. Le vénérable doge monta sur son tribunal pour alléguer en faveur de la requête les motifs honorables et vertueux qui peuvent seuls déterminer l’assemblée de tout un peuple. Le traité fut transcrit sur un parchemin, scellé, attesté par des sermens, accepté mutuellement avec des larmes de joie par les représentans de France et de Venise, et envoyé sur-le-champ à Rome pour obtenir l’approbation du pape Innocent III. Les marchands prêtèrent deux mille marcs pour les premières dépenses de l’armement ; et des six députés, deux repassèrent les Alpes pour annoncer le succès de la négociation, tandis que les quatre autres firent inutilement un voyage à Gênes et à Pise, pour engager ces deux républiques à entrer dans la sainte confédération.

Assemblée de la croisade et départ de Venise. A. D. 1202. Oct. 8.

Des délais et des obstacles imprévus retardèrent l’exécution de ce traité. Le maréchal de retour à Troyes fut affectueusement reçu et avoué de tout par Thibaut, comte de Champagne, que les pèlerins avaient unanimement choisi pour leur général ; mais la santé de ce valeureux jeune homme commençait à s’altérer ; on perdit bientôt tout espoir de le sauver ; il déplora la destinée qui le condamnait à périr avant le temps, non sur le champ de bataille, mais sur un lit de douleur, il distribua en mourant ses trésors à ses braves et nombreux vassaux, et leur fit jurer en sa présence d’accomplir son vœu et le leur. Mais,