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de la science militaire dans l’état où elle était auparavant. Cette découverte ne pouvait être long-temps la propriété exclusive des chrétiens ; la perfidie des apostats et la politique imprudente de la rivalité la portèrent bientôt chez les Turcs ; et les sultans eurent assez de bon sens pour adopter, assez de richesses pour s’approprier les talens des ingénieurs chrétiens. On peut accuser les Génois, qui transportèrent Amurath en Europe, de le lui avoir enseigné ; et il est probable qu’ils fondirent et dirigèrent les canons dont il se servit au siége de Constantinople[1]. Ils échouèrent dans la première entreprise ; mais dans le cours général des guerres de ce siècle, ils eurent nécessairement l’avantage, étant presque toujours les assaillans. Lorsque la première ardeur de l’attaque et de la défense se ralentit, on pointa cette foudroyante artillerie contre des tours et des murs qui n’avaient été destinés à résister qu’aux efforts moins puissans des machines de guerre inventées par les anciens. Les Vénitiens communiquèrent, sans qu’on puisse leur en faire un reproche, l’usage de la poudre aux sultans de l’Égypte et de la Perse, leurs alliés contre la puissance ottomane. Le secret se répandit bientôt jusqu’aux extrémités de l’Asie, et l’avantage des Européens se trouva borné à des victoires faciles sur les sauvages du Nouveau-Monde.

  1. Le canon des Turcs que Ducas fait paraître (c. 30) pour la première fois devant Belgrade (A. D. 1436), servit, selon Chalcocondyles (l. V, p. 123), dès l’année 1422, au siége de Constantinople.