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à ses ennemis ; mais les règles de la morale sont fondées sur l’intérêt public, et il suffira peut-être d’applaudir à la sagesse d’un prince que ses libéralités n’ont point appauvri, et dont la justice a augmenté ses richesses et sa puissance. Le devoir d’un souverain est sans doute d’entretenir l’harmonie entre l’obéissance et l’autorité, de châtier l’orgueil, de secourir la faiblesse, de récompenser le mérite, de bannir le vice et l’oisiveté de ses états, de protéger le voyageur et le marchand, de contenir la licence du soldat, de favoriser les travaux du laboureur, d’encourager les sciences et l’industrie, et, au moyen d’une répartition modérée, d’augmenter le revenu sans augmenter les taxes. Mais l’exécution de ces devoirs lui procure une ample et prompte récompense. Lorsque Timour monta sur le trône, l’Asie était déchirée par les factions, le brigandage et l’anarchie ; sous son règne, un enfant aurait pu porter sans crainte et sans danger une bourse d’or dans sa main de l’orient à l’occident de son fortuné royaume. Timour prétendait que le mérite de cette réforme suffisait pour justifier ses conquêtes et son titre à la souveraineté de l’univers. Mais les quatre observations suivantes feront apprécier ses droits à la reconnaissance des peuples, et conclure peut-être que l’empereur mongoul fut plutôt le fléau du genre humain que son bienfaiteur. 1o. Lorsque l’épée de Timour redressait quelques abus ou détruisait quelques tyrannies locales, le remède était infiniment plus funeste que le mal ; la discorde, l’avarice et la