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puissante et méprisable ; et l’ignorance a répété long-temps l’invention de la calomnie[1], qui défigurait sa naissance, son caractère, sa personne et jusqu’à son nom, qu’on avait changé en celui de Tamerlan[2]. Ce serait cependant un titre de plus à l’estime générale, s’il était réellement passé de la charrue au trône ; et sa jambe boiteuse ne pourrait être un reproche qu’autant qu’il aurait eu la faiblesse de rougir d’une infirmité naturelle ou peut-être honorable.

Les Mongouls, religieusement attachés à la famille de Gengis, le regardaient sans doute comme un sujet rebelle ; cependant il descendait de la noble tribu de Berlass. Carashar Nevian, son cinquième an-

  1. On trouve l’original de ce conte dans l’ouvrage suivant, fort estimé pour la pompeuse élégance du style : Ahmedis Arabsiadæ (Ahmed-Ebn-Arabshah) vitæ et rerum gestarum Timuii, arabice et latine. Edidit Samuel Henricus Manger. Franequeræ, 1767, 2 tom., in-4o. On reconnaît dans cet auteur syrien un ennemi toujours malveillant et souvent ignorant ; les titres mêmes de ses chapitres sont injurieux, comme ceux-ci : Comment le méchant, comment l’impie, comment la vipère, etc. Le copieux article de Timour inséré dans la Bibliothéque orientale présente un mélange d’opinions, parce que d’Herbelot a tiré indifféremment ses matériaux (p. 877-888) de Khondemir, d’Eb-Schounah et du Lebtarikh.
  2. Demir ou Timour, signifie en langue turque fer ; et Beg est la dénomination d’un grand seigneur ou d’un prince. Le changement d’une lettre ou d’un accent produit le mot lenc ou boiteux, et les Européens ont confondu par corruption les deux mots dans le nom de Tamerlan.