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l’Asie, et une portion considérable de l’Europe, à laquelle il ne manque que la ville de Constantinople, car il ne te reste plus rien hors de son enceinte ; sors de cette ville, remets-là dans nos mains, stipule ta récompense ou tremble pour toi et ton malheureux peuple des suites d’un imprudent refus. » Mais les instructions secrètes des ambassadeurs chargés de ce message permettaient d’adoucir la rigueur de cette demande, et de proposer un traité que les Grecs acceptèrent avec soumission et reconnaissance ; ils accordèrent pour prix d’une trêve de dix ans un tribut annuel de trente mille écus d’or ; ils eurent la douleur de voir tolérer publiquement le culte de Mahomet, et Bajazet eut la gloire d’établir un cadi et de fonder une mosquée dans la métropole de l’Église d’Orient[1]. Cependant l’Inquiet sultan ne respecta pas long-temps cette trêve ; Bajazet prit le parti du prince de Sélymbrie, le souverain légitime, et environna Constantinople avec son armée. Manuel, dans sa détresse, implora la protection du roi de France ; sa plaintive ambassade en obtint beaucoup de compassion et quelques secours sous les ordres du maréchal de Boucicault[2], dont la pieuse valeur était animée par le souvenir de sa captivité et le désir de s’en venger sur les infidèles. À la tête de quatre

  1. Cantemir, p. 50-53. Ducas (c. 13-15) est le seul des Grecs qui avoue l’établissement d’un cadi turc à Constantinople ; encore dissimule-t-il la mosquée.
  2. Mémoires du bon messire Jean-le-Maingre, dit Boucicault, maréchal de France, partie première, c. 30-35.