Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 12.djvu/331

Cette page a été validée par deux contributeurs.

vres. Les étrangers furent étonnés de cet acte de justice ; mais c’était la justice d’un sultan qui dédaigne d’examiner la valeur des preuves ou le degré de la faute.

L’empereur Jean Paléologue. A. D. 1355, 8 janvier. A. D. 1391.

Après s’être délivré d’un tuteur impérieux, Jean Paléologue fut durant trente-six années le spectateur oisif et, à ce qu’il paraît, indifférent, de la ruine de son empire[1] ; totalement livré à l’amour ou plutôt à la débauche, sa seule passion forte, l’esclave des Turcs oubliait la honte de l’empereur romain dans les bras des filles et des femmes de Constantinople. Andronic, son fils aîné, avait formé durant son séjour à Andrinople une liaison d’amitié et de crime avec Sauzes le fils d’Amurath, et ils firent de concert le projet d’arracher à leurs pères le sceptre et la vie. Amurath, passé en Europe, découvrit et dissipa bientôt cette conjuration ; après avoir privé Sauzes de la vue, il menaça son vassal de le traiter comme le complice de son fils, s’il ne lui infligeait pas le même châtiment. Paléologue obéit, et, par une précaution barbare, il enveloppa dans son arrêt l’enfance innocente du prince Jean, fils du criminel Andronic ; mais on exécuta l’opération avec tant de douceur ou si peu d’habileté, que l’un conserva l’usage d’un œil, et que l’autre n’éprouva d’autre infirmité que celle

  1. Pour les règnes de Jean Paléologue et de son fils Manuel, depuis 1354 jusqu’en 1402, consultez Ducas (c. 9-15), Phranza (l. I, c. 16-21) et les premier et second livres de Chalcocondyles, qui a enseveli son sujet dans un amas d’épisodes.