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chal[1] de France, n’était composée que de mille chevaliers et de leurs écuyers : l’éclat de leurs noms était une source de présomption et un obstacle à la discipline. Chacun se croyait digne de commander, personne ne voulait obéir, et les Français méprisaient également leurs alliés et leurs ennemis. Persuadés que Bajazet devait inévitablement périr ou prendre la fuite, ils calculaient déjà ce qu’il leur faudrait de temps pour se rendre à Constantinople et délivrer le Saint-Sépulcre. Lorsque les cris des Turcs annoncèrent leur approche, les jeunes Français étaient à table se livrant à la gaîté, à l’irréflexion ; et, déjà échauffés par le vin, ils se couvrirent avec précipitation de leurs armes, s’élancèrent sur leurs chevaux, coururent à l’avant-garde, et prirent pour un affront l’avis de Sigismond, qui voulait les priver de l’honneur de la première attaque. Les chrétiens n’auraient pas perdu la bataille de Nicopolis, si les Français eussent voulu déférer à la prudence des Hongrois ; mais ils auraient probablement obtenu une victoire glorieuse, si les Hongrois eussent imité la valeur des Français. Après avoir rapidement dispersé les troupes d’Asie qui formaient la première

  1. Cet office militaire si respectable encore aujourd’hui, l’était encore davantage lorsqu’il n’était possédé que par deux personnes (Daniel, Histoire de la Milice française, t. II, p. 5). L’un de ces deux, le fameux Boucicault, était maréchal de la croisade. Il défendit depuis Constantinople, gouverna la république de Gènes, s’empara de toute la côte d’Asie, et fut tué à la bataille d’Azincourt.