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employèrent à l’envi les profusions et les bassesses pour gagner l’amitié des émirs. L’adresse de Cantacuzène lui obtint la préférence ; mais le mariage de sa fille avec un infidèle, et la captivité de plusieurs milliers de chrétiens, furent le prix odieux du secours et de la victoire, et le passage des Ottomans en Europe précipita la ruine des débris de l’Empire romain. La mort d’Apocaucus, juste mais singulière récompense de ses crimes, fit pencher la balance en faveur de son ennemi ; l’amiral avait fait saisir dans la capitale et dans les provinces une foule de nobles et de plébéiens, objets de sa haine ou de ses craintes. Ils étaient renfermés dans le vieux palais de Constantinople, et leur persécuteur s’occupait avec activité de faire hausser les murs, resserrer les chambres, et de tout ce qui pouvait assurer leur détention et aggraver leur misère. Un jour qu’ayant laissé ses gardes à la porte, il veillait dans la cour intérieure au travail de ses architectes, deux courageux prisonniers de la famille des Paléologue, armés de bâtons et animés par le désespoir, s’élancèrent sur l’amiral et l’étendirent mort à leurs pieds[1]. La prison retentit des cris de vengeance et de liberté ; tous les captifs rompirent leurs fers ; ils barricadèrent leur retraite, et exposèrent sur les créneaux la tête d’Apo-

  1. Les deux prisonniers qui assommèrent Apocaucus, étaient l’un et l’autre des Paléologues, et pouvaient ressentir en prison la honte de leurs fers. Le fait de la mort d’Apocaucus mérite qu’on renvoie le lecteur à Cantacuzène (l. III, c. 86) et à Nicéphore Grégoras (l. XIV, c. 10).