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ou par mer pour la maison d’Aragon ou d’Anjou, se rassemblèrent et formèrent un corps de nation réunie par des mœurs et des intérêts semblables. Ayant appris l’irruption des Turcs dans les provinces asiatiques de l’empire d’Orient, ils résolurent d’aller chercher, en combattant contre eux, une solde et du butin ; et Frédéric, roi de Sicile, contribua libéralement à leur fournir les moyens de s’éloigner. Depuis vingt ans qu’ils faisaient la guerre, ils ne connaissaient plus d’autre patrie que les camps ou les vaisseaux. Ils ne savaient que se battre, n’avaient d’autre propriété que leurs armes, et ne concevaient d’autre vertu que la valeur. Les femmes qui suivaient la troupe étaient devenues aussi intrépides que leurs maris ou leurs amans : on prétendait que d’un seul coup de sabre les Catalans fendaient en deux un cavalier et son cheval ; et cette seule opinion était une arme puissante. Roger de Flor était de tous leurs chefs celui qui avait le plus de crédit, et il effaçait par son mérite personnel les fiers Aragonais, ses rivaux. Issu du mariage d’un gentilhomme allemand de la cour de Frédéric II et d’une demoiselle noble de Brindes, Roger fut successivement Templier, apostat, pirate, et enfin le plus riche et le plus puissant amiral de la Méditerranée[1]. Il cingla de Mes-

  1. Voyez, sur Roger de Flor et ses compagnons, un fragment historique, détaillé et intéressant, intitulé les Espagnols du quatorzième siècle, et inséré dans l’Espagne en 1808, ouvrage traduit de l’allemand, t. II, p. 167. Cette relation