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d’Afrique à Palerme, entra dans la ville aux acclamations des habitans, qui le nommèrent le monarque et le libérateur de la Sicile. Charles apprit avec autant de consternation que d’étonnement la révolte d’un peuple qu’il avait si long-temps foulé aux pieds avec impunité ; et on l’entendit s’écrier, dans le premier accès de douleur et de dévotion : « Grand Dieu, si tu as résolu de m’humilier, fais-moi du moins descendre plus doucement du faîte de la grandeur ! » Il rappela précipitamment, de la guerre contre les Grecs, la flotte et l’armée qui remplissaient déjà les ports de l’Italie ; et Messine se trouva exposée, par sa situation, aux premiers efforts de sa vengeance. Sans confiance en leurs propres forces, et sans espoir de secours étrangers, les citoyens auraient ouvert leurs portes, si le monarque eût voulu assurer le pardon et la conservation des anciens priviléges ; mais il avait déjà repris tout son orgueil. Les plus vives instances du légat ne purent lui arracher que la promesse d’épargner la ville, à condition qu’on lui remettrait huit cents des rebelles dont il donnerait la liste, et dont le sort serait à sa discrétion. Le désespoir des Messinois ranima leur courage ; Pierre d’Aragon vint à leur secours[1]. Le manque de provi-

  1. Deux écrivains nationaux racontent les détails de cette révolte et de la victoire dont elle fut suivie, Barthélémy de Neocastro (in Muratori, t. XIII) et Nicolas Specialis (in Muratori, t. X) ; l’un était contemporain et l’autre vivait dans le siècle suivant. Le patriote Specialis rejette le nom de rebelle, et nie la correspondance préliminaire avec