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chrétiens obligea Mainfroi d’enrôler une colonie de Sarrasins, que son père avait établie dans la Pouille ; et cette ressource odieuse peut expliquer la méfiance du héros catholique, qui rejeta toutes les propositions d’accommodement. « Portez, dit Charles, ce message au sultan de Nocéra ; dites-lui que Dieu et nos épées décideront entre nous, et que s’il ne m’envoie pas en paradis, je l’enverrai sûrement en enfer. » Les armées se joignirent : j’ignore dans quel endroit de l’autre monde alla Mainfroi, mais dans celui-ci il perdit, près de Bénévent, la bataille, ses amis, la couronne et la vie. Naples et la Sicile se peuplèrent d’une race belliqueuse de noblesse française ; et leur chef ambitieux se promit la conquête de l’Afrique, de la Grèce et de la Palestine. Des motifs spécieux pouvaient le déterminer à essayer d’abord ses armes contre Constantinople, et Paléologue, qui ne comptait point sur ses propres forces, en appela plusieurs fois de l’ambition de Charles à l’humanité de Saint-Louis, qui conservait un juste ascendant sur l’esprit féroce de son frère. Charles fut retenu quelque temps dans ses états par l’invasion de Conradin, dernier héritier de la maison impériale de Souabe ; mais ce jeune prince succomba dans une entreprise au-dessus de ses forces, et sa tête, publiquement abattue sur un échafaud, apprit aux rivaux de Charles à craindre pour leur vie autant que pour leurs états. La dernière croisade de Saint-Louis sur la côte d’Afrique donna encore un répit au souverain de Byzance. Le devoir et l’intérêt obligeaient également le roi