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leurs quartiers séparés ; mais les Génois méritaient à la fois la reconnaissance des Grecs, et excitèrent leur jalousie. Leur colonie indépendante s’était d’abord fixée à Héraclée dans un port de la Thrace. On les rappela, et ils obtinrent la possession exclusive du faubourg de Galata, poste avantageux où ils ranimèrent leur commerce, et insultèrent à la majesté de l’empire de Byzance[1].

Paléologue bannit le jeune empereur, après lui avoir fait crever les yeux. A. D. 1261. 25 déc.

On célébra le retour à Constantinople comme l’époque d’un nouvel empire ; le conquérant seul, et par le droit de son épée, renouvela la cérémonie de son couronnement dans la cathédrale de Sainte-Sophie ; Jean Lascaris, son pupille et son légitime souverain, vit insensiblement ses honneurs détruits et son nom effacé des actes du gouvernement ; mais ses droits subsistaient encore dans le souvenir des peuples, et le jeune monarque avançait vers l’âge de la virilité et de l’ambition. Soit crainte ou scrupule, Paléologue ne souilla point ses mains du sang d’un prince innocent ; mais balancé entre les sentimens d’un usurpateur et ceux d’un parent, il s’assura la possession du trône par un de ces crimes imparfaits avec lesquels l’habitude avait familiarisé les Grecs modernes : la perte de la vue rendait un prince incapable de gouverner l’empire ; au lieu de lui arracher douloureusement les yeux, on en dé-

  1. Voyez Pachym. (l. II, 28-33), Acropolita (c. 88), Nicéphore Gregoras (l. IV, 7), et pour la manière dont furent traités les sujets latins, Ducange (l. V, c. 30, 31).