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de son règne, il conduisit trois fois ses armées victorieuses jusque dans le cœur de la Bulgarie. La colère et la méfiance ternissaient ses vertus ; on peut attribuer la première, peut-être au malheur de n’avoir jamais eu à supporter la contrariété, l’autre pouvait provenir de quelques aperçus obscurs et imparfaits sur la dépravation du genre humain Dans une de ses marches en Bulgarie, il consulta ses principaux ministres sur une question de politique et le grand logothète, George Acropolita, osa soutenir avec sincérité une opinion qui blessait l’empereur Celui-ci porta la main sur son cimeterre, mais par un second mouvement, il réserva à Acropolita une punition plus Ignominieuse. Cet officier, l’un des premiers de l’empire, reçut ordre de descendre de cheval ; il fut dépouillé de ses vêtemens en présence du prince et de l’armée, et après l’avoir étendu sur la terre, deux gardes ou exécuteurs le frappèrent si long-temps et si cruellement de leurs bâtons, qu’au moment où l’empereur leur ordonna de cesser, le grand logothète eut à peine la force de se relever et de se traîner dans sa tente. Après une retraite de quelques jours, les ordres absolus de Théodore le rappelèrent au conseil ; et les Grecs étaient si entièrement morts à tout sentiment d’honneur et de honte que c’est l’offensé lui-même qui nous apprend son ignominie[1]. Une maladie dangereuse, la perspec-

  1. Acropolita (c. 63) semble s’applaudir de la fermeté avec laquelle il reçut la bastonnade, et son absence du conseil