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rétrograde. Avec ces dispositions, les Latins devaient naturellement tirer des avantages immédiats et essentiels d’une suite d’événemens qui déployaient à leurs yeux le tableau du monde et leur ouvraient de longues et fréquentes communications avec les peuples les plus cultivés de l’Orient. Les progrès les plus précoces et les plus sensibles se manifestèrent dans le commerce, dans les manufactures et dans les arts que font naître la soif des richesses, la nécessité, le goût des plaisirs ou la vanité. Parmi la foule des fanatiques, il se pouvait trouver un captif ou un pèlerin capable de remarquer une invention ingénieuse du Caire ou de Constantinople : celui qui rapporta celle des moulins à vent[1] fut le bienfaiteur des nations : l’histoire n’a pas daigné lui payer un tribut de reconnaissance ; mais les jouissances du luxe, le sucre et les étoffes de soie, tirés originairement de la Grèce et de l’Égypte, y tiennent une place honorable. Les Latins sentirent plus tard les besoins intellectuels, et s’occupèrent plus lentement de les satisfaire. Des causes différentes et des événemens plus récens, éveillèrent en Europe la curiosité, mère de l’étude ; et dans le siècle des croisades, la littérature des Grecs et des Arabes ne leur inspirait que de l’indifférence. Ils avaient peut-être fait

  1. Les moulins à vent, originairement inventés dans l’Asie Mineure, où les eaux sont rares, furent en usage en Normandie dès l’année 1105 (Vie privée des Français, t. I, p. 42, 43 ; Ducange, Gloss. lat., t. IV, p. 474). Voy. l’Angleterre, anc. trad. par Boulard, p. 282.