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gislateur. Sous sa discipline, la valeur des Français mercenaires devint le plus sûr instrument de ses victoires, et leur désertion du service de leur pays fut en même temps l’annonce et la cause de la supériorité renaissante des Grecs. Vatacès construisit une flotte, fit la loi sur l’Hellespont, réduisit les îles de Lesbos et de Rhodes, attaqua les Vénitiens de Candie, et intercepta les secours lents et faibles qui arrivaient de l’Occident. L’empereur latin fit enfin l’effort d’opposer une armée à Vatacès, et dans la défaite de cette armée, le reste des chevaliers et des premiers conquérans périt sur le champ de bataille. Mais le pusillanime Hubert était moins sensible aux succès de son ennemi qu’à l’insolence de ses sujets latins, qui abusaient également de la faiblesse de l’empereur et de celle de l’empire. Ses malheurs personnels attestent la férocité du siècle et l’anarchie de son gouvernement. Séduit par la beauté d’une fille noble de la province d’Artois, Robert, oubliant ses engagemens avec la fille de Vatacès, introduisit sa maîtresse dans son palais, et la mère de cette jeune fille, éblouie par l’éclat de la pourpre, consentit à la lui donner, quoiqu’elle l’eût promise en mariage à un gentilhomme de Bourgogne. L’amour de celui-ci se convertit en fureur : il assembla ses amis, força les portes du palais, précipita dans l’Océan la mère de sa maîtresse, et coupa inhumainement le nez et les lèvres de la femme ou concubine de l’empereur. Loin de vouloir punir le coupable, les barons ap-