Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 12.djvu/123

Cette page a été validée par deux contributeurs.

le trône de Constantinople, mais la prudence devait inspirer moins d’envie que de compassion pour cette grandeur dangereuse et illusoire. Pour soutenir dignement ce titre, Courtenai fut contraint de vendre ou d’engager la plus riche partie de son patrimoine. À l’aide de ces expédiens, de la libéralité de son parent Philippe Auguste, et de l’esprit de chevalerie qui régnait dans toute la nation, il fut en état de passer les Alpes à la tête de cent quarante chevaliers et de cinq mille cinq cents sergens ou archers. Après avoir hésité, le pape Honorius III consentit à couronner le successeur de Constantin ; mais il fit cette cérémonie dans une église hors de l’enceinte de la ville, de peur qu’elle ne semblât supposer conférer quelque droit de souveraineté sur l’ancienne capitale. Les Vénitiens s’étaient engagés à transporter Pierre avec ses troupes au-delà de la mer Adriatique, et l’impératrice avec ses quatre enfans, dans le palais de Byzance ; mais ils exigèrent pour prix de ce service qu’il reprît Durazzo, occupé par le despote de l’Épire. Michel Lange ou Comnène, le premier de sa dynastie, avait légué sa puissance et son ambition à son frère Théodore, qui menaçait et attaquait déjà les établissemens des Latins. Après avoir acquitté sa dette par un assaut inutile, l’empereur leva le siége, et continua par terre son dangereux voyage jusqu’à Thessalonique. Il se perdit dans les montagnes de l’Épire, les passages se trouvèrent fortifiés, les provisions manquèrent : on le retarda par de perfides apparences de négociation ; Pierre de Courtenai et le légat romain