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naissance, abandonnèrent Constantinople, et se retirèrent sous les gouvernemens indépendans de Trébisonde, d’Épire ou de Nicée. On ne cite qu’un seul patricien qui ait mérité le douteux éloge d’attachement et de fidélité aux Francs. Le peuple des villes et des campagnes se serait soumis sans peine à une servitude régulière et modérée ; quelques années de paix et d’industrie auraient bientôt fait oublier la guerre et ses désordres passagers ; mais la tyrannie du système féodal éloignait les douceurs de la paix et anéantissait les fruits de l’industrie. Une administration simple et des lois sages donnaient aux empereurs romains de Constantinople, s’ils avaient eu les talens nécessaires pour en faire usage, les moyens de protéger leurs sujets. Mais le trône des Latins était occupé par un prince titulaire, chef et souvent esclave de ses indociles confédérés. L’épée des barons disposait de tous les fiefs de l’empire, depuis le royaume jusqu’au plus mince château. Leur ignorance, leurs discordes et leur pauvreté, étendaient la tyrannie jusque dans les villages les plus éloignés. Les Grecs, également opprimés par le pouvoir temporel des prêtres et par la haine fanatique des soldats, se trouvaient séparés pour toujours de leurs conquérans par la barrière insurmontable du langage et de la religion. Tant que les croisés restèrent réunis dans la capitale, le souvenir de leur victoire et la terreur de leurs armes imposèrent silence à un pays subjugué. Leur séparation découvrit la faiblesse de leur nombre et les défauts de leur discipline ; quel-