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l’empereur Isaac et de son fils. Poursuivi par la crainte et le remords, il cherchait à passer en Asie, lorsque les Latins de Constantinople le surprirent, et, par un jugement public, le condamnèrent à une mort ignominieuse. Après avoir balancé pour son supplice entre la hache, la roue et le pal, les juges firent placer[1] Mourzoufle sur le sommet d’un pilier de marbre blanc élevé de cent quarante-sept pieds, que l’on nommait la colonne de Théodose[2]. Du haut de cette colonne, il fut précipité en bas la tête la première, et se brisa sur le pavé, en présence d’une multitude de spectateurs rassemblés dans le Forum de Taurus, et qui voyaient avec étonnement, dans ce singulier spectacle, l’explication et l’accomplissement d’un ancienne prédiction[3]. Le sort

  1. Voyez la mort de Mourzoufle dans Nicétas (p. 393), Villehardouin (nos 141, 145, 163) et Gunther (c. 20, 21). Ni le maréchal, ni le moine n’annoncent le moindre mouvement de pitié pour un usurpateur ou un rebelle, dont le supplice était cependant d’un genre plus nouveau que ses crimes.
  2. La colonne d’Arcadius, dont les bas-reliefs représentent ses victoires ou celles de son père Théodose, existe encore à Constantinople ; on en trouve la description et la mesure dans les ouvrages de Gyllius (Topograph. IV, 7), Banduri (ad. l. I, Antiquit., C. P., p. 507, etc.) et Tournefort (Voyage du Levant, t. II, lett. 12, p. 231).
  3. Le conte ridicule de Gunther relativement à cette columna fatidica ne mérite aucune attention ; mais il est assez extraordinaire que cinquante ans avant la conquête des Latins, le poète Tzetzès (Chiliad., IX, 277) ait raconté