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coup d’œil sûr ; au milieu de la course la plus rapide, ils savaient se retourner en arrière et remplir l’air d’une grêle de dards. Ils se montraient également redoutables dans une bataille rangée, dans une embuscade, dans la fuite ou dans la poursuite : les premières lignes gardaient une apparence d’ordre ; mais elles étaient jetées en avant par l’impulsion des corps qui se trouvaient sur le derrière et qui se précipitaient avec impatience du côté de l’ennemi. Après avoir mis des guerriers en déroute, ils les poursuivaient tête baissée, à toutes brides et en poussant des cris affreux ; s’ils prenaient la fuite eux-mêmes dans un moment de terreur réelle ou simulée, l’ardeur des troupes qui se croyaient victorieuses était réprimée et châtiée par les subites évolutions qu’ils savaient former au milieu de la course la plus rapide et la plus désordonnée ; ils poussèrent l’abus de la victoire à des excès qui étonnèrent l’Europe, encore dans l’angoisse des coups que lui avaient portés les Sarrasins et les Danois ; ils demandaient rarement quartier et l’accordaient plus rarement encore : on accusait les deux sexes d’être inaccessibles à la pitié ; ils passaient pour boire le sang et manger le cœur des vaincus, et leur goût pour la chair crue semblait appuyer ce conte populaire. Cependant les Hongrois n’étaient pas étrangers à ces principes d’humanité et de justice que la nature inspire à tous les hommes. Ils avaient des lois et des châtimens établis contre les crimes publics et particuliers ; et le larcin, le plus séduisant des cri-