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en état de résister à la fleur des chevaliers de l’Europe ; ils durent la victoire à la valeur de leurs esclaves ou mamelucks, robustes enfans de la Tartarie, achetés à des marchands de Syrie, et dès leurs premiers ans élevés dans les camps et dans le palais du sultan. Mais l’Égypte offrit bientôt un nouvel exemple du danger des bandes prétoriennes, et la rage de ces animaux féroces, qu’on avait lâchés contre les Français, dévora bientôt leur bienfaiteur. Enflés par l’orgueil de la victoire, les mamelucks assassinèrent Touran Shaw, le dernier rejeton de sa race, et les plus audacieux de ses assassins entrèrent dans la chambre du roi captif, le cimeterre à la main et encore teint du sang de leur sultan. La fermeté de Louis les força au respect[1] ; l’avarice fit taire le fanatisme et la cruauté ; le traité s’accomplit, et le roi de France, avec les débris de son armée, eut la liberté de s’embarquer pour la Palestine. Il passa quatre ans dans la ville d’Acre, sans pouvoir pénétrer jusqu’à Jérusalem, et refusant toujours de retourner sans gloire dans sa patrie.

  1. Joinville atteste sérieusement l’envie que les émirs témoignèrent de choisir Saint-Louis pour leur sultan, et cette idée ne me paraît point aussi absurde qu’à M. de Voltaire (Histoire générale, t. II, p. 386, 387) ; les mamelucks étaient eux-mêmes des étrangers, des rebelles et égaux entre eux. Ils connaissaient sa valeur, et espéraient de le convertir ; et dans une assemblée tumultueuse cette proposition, qui ne fut point adoptée, a pu être faite par quelqu’un d’entre eux attaché secrètement au christianisme.