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Louis, armé de toutes pièces, et précédé de l’oriflamme, sauta un des premiers sur le rivage ; et les musulmans, épouvantés, abandonnèrent au premier assaut la ville de Damiette, qui avait soutenu un siége de seize mois contre ses prédécesseurs ; [Prise de Damiette. A. D. 1249.]mais Damiette fut la première et la dernière de ses conquêtes ; dans la sixième croisade, les mêmes causes renouvelèrent, presque sur le même terrain, les calamités qui avaient fait manquer la cinquième[1]. Après un délai funeste, qui introduisit dans le camp les germes d’une maladie épidémique, les Francs s’avancèrent de la côte maritime vers la capitale de l’Égypte, et tâchèrent de franchir l’inondation du Nil qui s’opposait à leurs progrès. Sous les yeux de leur intrépide monarque, les barons et les chevaliers français déployèrent leur invincible valeur et leur insurmontable mépris pour toute espèce de discipline. Le comte d’Artois, par une saillie d’une bravoure inconsidérée, prit d’assaut la ville de Massoure, et des pigeons dressés volèrent annoncer aux habitans du Caire que tout était perdu ; mais un soldat, qui usurpa depuis le sceptre, rassembla les fugitifs ; le corps de l’armée française était éloigné ; les troupes du comte d’Artois furent écrasées, et leur

  1. Les derniers éditeurs de Joinville ont enrichi son texte d’un grand nombre d’extraits curieux tirés des Arabes, Macrizis, Abulféda, etc. ; voy. aussi Abulpharage (Dyn., p. 322-325), qui nomme Louis par corruption Redefrans. Matthieu Paris (p. 683, 684) nous a peint la folle émulation des Français et des Anglais qui combattirent et périrent à Massoure.