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la Palestine était de vaincre le sultan en Égypte, lieu de sa résidence et magasin de son empire ; et après un siége de seize mois, les musulmans eurent à regretter la perte de Damiette. Mais l’armée des chrétiens fut détruite par l’orgueil et l’insolence du légat Pelage, qui, au nom du pape, s’était emparé du commandement. Les Francs, épuisés par les épidémies, environnés des eaux du Nil et de toutes les forces de l’Orient, abandonnèrent Damiette pour obtenir la liberté de la retraite, quelques concessions en faveur des pèlerins, et la restitution tardive du bois suspect de la vraie croix. On doit, en quelque sorte, attribuer le peu de succès des croisades à la multiplicité et à l’abus de ces pieuses expéditions que l’on prêchait, à la même époque, contre les païens de la Livonie, les Maures d’Espagne, les Albigeois de France, et les rois de Sicile de la famille impériale[1]. Dans ces entreprises méritoires, sans sortir de l’Europe, les aventuriers pouvaient obtenir les mêmes indulgences et des récompenses temporelles plus sûres et plus considérables ; les papes se livrant à leur zèle contre des ennemis domestiques, se laissaient aller quelquefois à oublier les malheurs des chrétiens de

  1. À ceux qui prirent la croix contre Mainfroi, le pape (A. D. 1255) accorda plenissimam peccatorum remissionem. Fideles mirabantur quod tantum eis promitteret pro sanguine christianorum effundendo, quantum pro cruore infidelium aliquando. (Matthieu Paris, p. 785.) C’était déjà beaucoup raisonner dans le treizième siècle.