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richesses et en renommée militaire[1] ; et si une valeur brutale et féroce suffit pour constituer l’héroïsme, Richard Plantagenet doit tenir un des premiers rangs parmi les héros de son siècle. La mémoire de Cœur-de-Lion fut long-temps chère et glorieuse aux Anglais. Soixante ans après sa mort, les petits-fils des Turcs et des Sarrasins qu’il avait vaincus, le célébraient dans leurs proverbes. Les mères de Syrie se servaient de son nom pour imposer silence à leurs enfans ; et lorsqu’un cheval faisait un écart, on entendait ordinairement son cavalier s’écrier : « Crois-tu que le roi Richard soit dans ce buisson[2] ? » Sa cruauté envers les musulmans était un effet de son zèle et de son caractère ; mais je ne puis me persuader qu’un soldat si prompt et si courageux à se servir de sa lance, se soit abaissé à recourir au poignard, contre son collègue, le vaillant Conrad de Montferrat, qui périt à Acre assassiné par une main inconnue[3]. Après la prise d’Acre et le départ

  1. Rex Angliæ præstrenuus… rege Galloriun minor apud eos censebatur ratione regni atque dignitatis ; sed tum divitiis florentior, tum bellicâ virtute multo erat celebrior (Bohadin, p. 161). Un étranger peut admirer ces richesses, mais les historiens nationaux lui apprendraient de quelles tyrannies et de quelles funestes déprédations on s’était servi pour les amasser.
  2. Joinville, p. 17. « Cuides-tu que ce soit le roi Richard ? »
  3. Cependant il était coupable de ce crime aux yeux des musulmans, qui attestent que les assassins confessèrent