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les moines de la ville, nu-pieds et en procession, allèrent supplier le fils de Dieu de sauver son tombeau des mains sacriléges des infidèles ; il fallut avoir recours à la clémence du vainqueur qui repoussa la première députation par un refus rigoureux, et répondit qu’il avait juré de venger les longues souffrances si patiemment endurées par les musulmans ; que l’heure du pardon était passée, et le moment arrivé d’expier le sang innocent qu’avaient répandu Godefroi et les premiers croisés. Mais les chrétiens poussés au désespoir firent sentir au sultan, par un courageux effort, que son succès n’était pas encore assuré ; et le sultan écouta avec respect un appel au maître commun de tous les humains. Un sentiment d’humanité adoucit la rigueur du fanatisme et de la conquête : Saladin accepta la soumission de la ville, et consentit à épargner le sang des habitans. Les chrétiens grecs et orientaux obtinrent la liberté de vivre sous son gouvernement ; mais il fut statué que tous les Francs et les Latins évacueraient sous quarante jours Jérusalem, et seraient conduits en sûreté dans les ports de l’Égypte et de la Syrie. Les rançons furent fixées, pour les hommes, à dix pièces d’or, a cinq pour les femmes, et à une pour les enfans. Ceux qui n’étaient point en état de se racheter, restèrent pour toujours en esclavage. Quelques historiens se sont fait un malin plaisir de comparer la clémence de Saladin au massacre de la première croisade : cette différence tiendrait uniquement au caractère personnel du conquérant ; mais