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sont également rangés au nombre des saints du mahométisme ; constamment occupés à méditer de saintes guerres, ils semblent avoir contracté dans l’habitude de cette pensée une teinte de caractère sérieuse et tempérée qui se répand sur leur vie et sur leurs actions. Le dernier avait été, durant sa jeunesse, adonné au vin et aux femmes[1] : mais l’ambition le fit bientôt renoncer aux plaisirs des sens, pour les folies plus graves de la puissance et de la renommée. Saladin portait une robe de laine grossière ; l’eau était son unique boisson. Il se montra aussi sobre et beaucoup plus chaste que le prophète arabe, et sa foi ainsi que sa pratique furent toujours celles d’un rigide musulman. Il s’affligea toujours de ce que les soins qu’exigeait la défense de la religion ne lui avaient pas permis d’accomplir le pèlerinage de la Mecque ; mais aux heures fixées, le sultan, cinq fois par jour, priait avec ses frères ; et lorsqu’il avait commis l’omission involontaire de quelques jeûnes prescrits par son prophète, il la réparait scrupuleusement. On peut citer comme une preuve, un peu fastueuse à la vérité, de son courage et de sa dévotion, l’habitude qu’il avait, avant les batailles, de lire le Koran sur son cheval, tout en marchant à la tête de ses troupes, entre les deux armées prêtes à se charger[2]. Il ne daigna encourager d’autre

  1. Voyez sa vie et son caractère dans Renaudot, pag. 537-548.
  2. Bohadin, témoin oculaire et dévot de bonne foi,